René Hénoumont, Le jeune homme et la rivière

 

Le jeune homme et la rivière, René Hénoumont, Bernard Gilson Editeur,


Il y a des hommes qui mêlent intimement le cours de leur vie à celui des rivières de
telle sorte qu'évoquer le nom de l'une d'elles suffit à ouvrir des pans entiers de la mémoire.


L'Ourthe, l'Amblève, la Semois, la Lesse, les rivières de René Hénoumont — toutes de fières Ardennaises — sont autant de pages biographiques et à les lire, la promenade est belle.

 

 

 


« J'étais au comble du bonheur aux côtés de mon père

qui roulait une cigarette à côté de moi,

dans la barque », R. Hénoumont.



Et pourtant l'année de ses dix-huit ans il reçoit son premier lancer léger, c'était le 10 mai 1940, Hitler lançait son offensive dévastatrice sur les Pays-Bas et la Belgique. Ce fut l'exode en vélo avec la précieuse canne en sautoir jusque dans l'Aude, havre de paix et de pêche. Découverte de la pêche à la cuiller, au vairon manié, des torrents de montagne, de leurs cascades et des lacs d'altitude. La pêche s'apparente alors, grâce au lancer léger, à une traque, une chasse en un temps où la provende des rivières paraissait sans fin.


René Hénoumont se souvient avec émotion de tous ces lieux où les pages de sa vie ont pris soudainement un éclat particulier. Pas de triste nostalgie dans son écriture, pas de regrets non plus, juste la satisfaction qu'en choisissant la pêche il ne s'était pas trompé.



« L'été lorsque l'Ourthe se couvrait

de petites fleurs blanches de la renoncule d'eau,

la rivière devenait prairie

et moi au milieu j'étais au comble du bonheur. »,

R. Hénoumont.



On ne se trompe jamais lorsqu’on choisit les eaux vives et les eaux dormantes et on se trompe encore moins lorsqu'on choisit la pêche. C'est d'ailleurs écrit dans les livres, les « bibles » de René Hénoumont, Michel Duborgel, Maurice Constatin-Weyer, Tony Burnand ou plus littéraires encore Maurice Genevoix et Ernest Hemingway. Avec de telles lectures, difficiles de trouver des raisons d'avoir tort !


Et pas de raison de se perdre non plus ! Car l'auteur retourne à sa rivière, celle de sa vie, « L'Ourthe, il y eut comme un roman d'amour entre le jeune homme et la rivière. » Il en connaît en mémoire toutes les subtilités, les sensations et les sens s'échauffent à entendre le nom de sa rivière.


« Ô les petites chansons des cours d'eau des Ardennes !...

leurs chansons douces qui font rêver les poètes

et frissonner les amoureux

qui se confient des je t'aime et des toujours... »,

Jacques Théret, Les Ardennes à fleur d'eau.



René Hénoumont Il y aurait donc des hommes qui ne seraient pas d'un pays de terre, de bois et de village, des hommes qui délaisseraient les cheminées fumantes et les sonnailles des cloches pour préférer les rivières. Des hommes dont la seule patrie serait celle des eaux vives. René Dhôtel, cet autre écrivain des Ardennes, pêcheur passionné également, n'évoquait pas autre chose dans Terres de mémoire, « En réalité ma plus vive expérience des Ardennes ne fut pas la terre mais l'eau ». Il y a en effet des hommes, des pêcheurs en particulier, dont toute leur histoire est constituée par la pratique des eaux vives, qui par l'effort, la patience et la surprise, dans le tumulte et la sérénité de la rivière, trouvent une unité. C'est peut-être là une vérité universelle.


André Dhôtel, lui aussi, affirmait avec force (et à le relire cela sonne davantage comme une proclamation) : « La rivière est à moi. Vous me parlez de racine, mais moi je n'ai pas de racines, puisque c'était de l'eau. » Ainsi, la rivière est devenue une part intime de l'homme, sa part secrète faite de rêves récurrents, de veines d'eau tressées, d'appels pressants à venir arpenter ses berges et son lit et de souvenirs intenses de poissons pourchassés et relâchés. Il est en somme, par un curieux renversement, possédé et habité par la rivière.


Avec une parole définitive, presque testamentaire, il nous dit que le monde si précieux et infini de la rivière suffit à combler la vie d'un homme.



Article sauvé du blog de Chamane 51

Liste des livres commentés: 

John Gierach, Là-bas, les truites... 

Jacques-Étienne Bovard, La pêche à rôder 

J. de Lespinay, Si vous prenez la mouche... 

Sophie Massalovitch, Le goût de la pêche 

Serge Sautreau, Le rêve de la pêche  

Sean Nixon, Les Nuits du Connemara  

Pierre Clostermann, La Prière du pêcheur 

Pierre Clostermann, Des poissons si grands. La grande pêche sportive en mer. 

Pierre Clostermann, Des poissons si grands. La grande pêche sportive en mer.  

Pierre Clostermann, Mémoires au bout d'un fil.  

Pierre Clostermann, Spartacus l'espadon  

Maurice Genevoix, Tendre bestiaire.  

Maurice Genevoix, Rémi des Rauches  

Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages 

Pierre Perret, Les poissons et moi.  

John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme  

Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur  

Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur.  

Henry David Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison  

Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Mémoires d'un pêcheur de truites  

Cormac McCarthy, La route  

William G. Tapply, Casco Bay / Dark Tiger  

Hervé Jaouen, Histoire d'ombres.  

René Fallet, Les pieds dans l'eau.  

Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau  

Justin Cronin, Quand revient l'été.  

Les Ardennes à fleur d'eau  

Philippe Nicolas, La mouche et le Tao,  

Paulus Hochgatterer, Brève histoire de pêche à la mouche 

Jim Harrison, Un bon jour pour mourir  

Vincent Lalu, La femme truite, Le coup du soir et autres histoires de pêche.  

Ernest Hemingway, La grande rivière au cœur double.  

Henri Bosco, L'enfant et la rivière.  

Philippe Nicolas. L'enchantement de la rivière.  

John Gierach, Le Traité du Zen et de l'art de la pêche à la mouche.  

Paul Torday, Partie de pêche au Yémen.  

John D. Voelker, Testament d'un pêcheur à la mouche

 

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