Les Ardennes à fleur d'eau

 

Les Ardennes à fleur d'eau, Éditions Terres Ardennaises, juin 2010


Les Éditions Terres Ardennaises viennent de sortir une très belle monographie de 348 pages sur les eaux vives et dormantes du département des Ardennes dans le Nord-Est de la France. Une trentaine d'auteurs et photographes ont participé à l'élaboration de cet ouvrage. Le parti pris est clairement celui de l'eau, à « fleur d'eau » dit le titre, qui raisonne comme une sensation à peine enfouie dans la mémoire capable de surgir à chaque instant comme un souvenir émouvant, caché à fleur de peau.

 

En tournant les pages, le lecteur peut aussi faire son propre cheminement, les nombreuses photographies sont autant d'invitations à la promenade et à la découverte. S'il est sensible à l'histoire, ici souvent marquée par les guerres, à l'économie liée aux fleuves, aux rivières et canaux, et même par simple curiosité touristique, par la qualité des textes, le lecteur reste toujours suspendu au fil de l'ouvrage qui constitue un guide agréable et précis. Les Ardennais y trouveront une pierre solide à l'édifice de leur mémoire dont ils ne sont pas peu fiers. On remarque aussi à quel point les eaux de ce pays ont été marquées par la révolution industrielle dont elles portent encore les vestiges parfois abandonnés, à peine visibles. On n'entend plus le marteau-pilon actionné par la grosse roue à aube, les moulins, les tanneries, les bateliers, mariniers, éclusiers, on n'entend plus aussi les lavandières et leurs battoirs frappant le linge ou le cri des enfants jouant dans l'eau et les accordéons des guinguettes des bords de Meuse, tout ce petit peuple ouvrier qui vivait là le travail, les peines et les joies grâce aux rivières. Toute une activité humaine aujourd'hui disparue. Certes, il reste encore une activité industrielle, des usines, une centrale nucléaire (Chooz), quelques industries dont les pollutions comme celle du PCB (Villers-Semeuse) font souffrir les rivières, mais elles ont bien plus à craindre aujourd'hui de l'agro-industrie et du réchauffement climatique. Reste que la désindustrialisation frappe durement le département, et le canal des Ardennes sera même dorénavant déclassé de septembre à mai !

 

Le livre dresse le portrait plus souriant des rivières ardennaises, la Meuse, la Chiers, la Semoy, ou l'Aisne puis celui des canaux et des ruisseaux comme la Vaux, la Sormonne le Thin, la Retourne, ou celui des lacs comme le Bairon ou encore celui plus connu des Vieilles Forges. Ainsi, le pêcheur soucieux de connaître son environnement trouvera de précieuses indications. Ces rivières sont si tentantes et néanmoins si inaccessibles comme toutes les rivières de première catégorie qui sont fermées à la réciprocité de l'Union Réciprocitaire du Nord-Est (URNE), vaste problématique dira-t-on. Des rivières jalousement gardées donc, dans lesquelles on introduit avec beaucoup d'espoir de jeunes saumons comme dans la Houille, le Viroin, la Semois, mais il n'en restera pas moins au courageux Salmo salar à franchir dans son avalaison (18 barrages sur la Meuse de Givet à Mouzon) près de 13 échelles à poisson dans la partie belge, plus 7 dans la partie néerlandaise de la Meuse et une multitude de déversoirs, de chausse-trapes en attendant la montaison possible s'il réussit à retrouver le chemin... Le silure a maintenant colonisé le réseau de deuxième catégorie, l'aspe arrive également dans son sillage. Le castor est de retour et c'est une bonne nouvelle, quant à la loutre, signe de la bonne santé des eaux, elle semble faire un retour ici ou là en France, mais elle a bel et bien disparu des Ardennes. Il en reste quelques traces (piège de La pierre à Loutre à Naux, Sentier de la loutre au pied de la centrale de Chooz). Suivant le castor et le saumon, espérons que son retour ne tarde pas, ce serait là encore une bonne nouvelle pour les rivières ardennaises.

 

Les Ardennes à fleur d'eau est un livre qu'on ne cesse d'explorer, de feuilleter, de parcourir, « à fleur d'eau », une manière de voir les paysages que l'on apprécie.

Chamane51, juin 2010

 Liste des livres commentés: 

Philippe Nicolas, La mouche et le Tao,  

Paulus Hochgatterer, Brève histoire de pêche à la mouche 

Jim Harrison, Un bon jour pour mourir  

Vincent Lalu, La femme truite, Le coup du soir et autres histoires de pêche.  

Ernest Hemingway, La grande rivière au cœur double.  

Henri Bosco, L'enfant et la rivière.  

Philippe Nicolas. L'enchantement de la rivière.  

John Gierach, Le Traité du Zen et de l'art de la pêche à la mouche.  

Paul Torday, Partie de pêche au Yémen.  

John D. Voelker, Testament d'un pêcheur à la mouche

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