Pierre Clostermann, Des poissons si grands. La grande pêche sportive en mer.
Des poissons si grands. La grande pêche sportive en mer, Pierre Clostermann
Premier livre de sa trilogie consacrée à la pêche sportive, Clostermann a signé une œuvre majeure de la littérature halieutique. On entre dans ce livre comme l'on sort d'un port, certain d'aller à l'aventure de celle qui fait l'histoire.
Clostermann sait raconter les histoires, il a aimé les poissons, la mer et les hommes qui ont tenté de réaliser leurs rêves, par elle et parfois contre elle. On sait que la pêche fut pour lui une raison d'être et que dans les heures les plus sombres de l'histoire de l'Europe celle-ci lui a permis de retrouver un équilibre salvateur et la force de retourner au combat. Lorsqu'il s'engage à la Patriotic School de Liverpool aux côtés du Général de Gaulle, il le fait, à la grande stupéfaction des officiers anglais, avec un fagot de cannes à la main.
Il pêche les carpes dans les douves du château d'Ashley malgré les tirs de DCA pendant la bataille d'Angleterre et reçoit des mains d'un lord anglais les cannes à mouche de son fils tué en combat aérien au-dessus de la Manche en 1940. On se demande si Clostermann, sans la pêche, aurait été le même homme.
« Ai-je rêvé ?
La mer est là, sous mes yeux, déserte. Le fauve s'est enfui et la vie reprend.
Une famille de marsouins reniflant, soufflant
déroule en glissades fluides son collier de dos noirs et huileux. »,
P. Clostermann
Cependant, Des poissons si grands n'est pas une catharsis dans laquelle l'auteur aurait à évacuer les drames vécus. Il a tourné la page, pas de réminiscence et de refoulé avec Clostermann. Il nous livre à la pêche avec un style net, précis et sans fioriture. Dans sa préface, il place ses récits sous l'autorité bienveillante d'Ernest Hemingway, d'Isaac Walton, d'Herman Melville, de Lacépède et de Jonathan Swift : cela fait beaucoup certes, mais si on veut bien suivre l'auteur, on comprend alors que la pêche n'est plus une simple activité sportive et technique mais une véritable culture au sens plein du terme.
Même s'il s'en défend dans son Avant-propos, ses histoires sont celles d'un véritable écrivain, et en ce sens il participe tout aussi pleinement que ses illustres prédécesseurs à l'édification d'une véritable culture halieutique. Des Poissons si grands est un classique qu'il nous faut lire et relire.
« Je passe le moulinet sur strike et aussitôt le moulinet hurle comme une scie à disque
tranchant dans une bille de bois dur »,
P. Clostermann
Chaque histoire de ce livre (j'en compte 34) est une véritable aventure, parfois dangereuse, une fois dramatique. Clostermann pêche le poisson-tigre au cœur de l'Afrique, le dourados dans les chutes d'Iguassù entre le Brésil et l'Argentine, mais c'est la mer qui occupe Clostermann, avec des marlins, sail-fishs, coryphènes, requins makos, thons, espadons (voir Spartacus l'espadon dans ce même blog) et bien d'autres encore. Clostermann raconte, souvent avec humour, ses parties de pêche avec ces combattants valeureux qui parfois, après plusieurs combats acharnés, désespèrent le pêcheur. La pêche relève autant de l'effort physique que de la ruse et de la ténacité. Elle engage le pêcheur tout entier dans une empoignade qui parfois est un corps à corps sans pitié. La grande pêche sportive en mer est un sport de combat.
Le 28 février 1966, un grand marlin de 4,62 m. lui vaudra plus de 7 h 00 de combat et 12 pages de récit !
« Deux fois j'ai failli à saisir mon rêve personnel de pêcheur
au travers des portes entrouvertes par le hasard. »,
P. Clostemann
Il y a également chez l'auteur une dimension esthétique, poétique, on la voit dans le style et les formules (surtout dans ce premier opus) mais aussi avec un texte court presque mystique que Clostermann a nommé la Prière du pêcheur. À la fois requête, demande d'intercession du divin envers le pêcheur qui modestement fait un avec la nature et sa dimension infinie. Peut-être est-ce davantage une oraison intérieure, un recueillement silencieux à mots murmurés pour s'attirer les bonnes grâces de la nature, du hasard ou de saint Pierre.
Je ne résiste pas au plaisir de vous faire découvrir le dernier quatrain en respectant les caractères utilisés dans l'édition que j'ai sous les yeux :
« Accorde-moi d'enfin prendre DES POISSONS SI GRANDS
Que la tentation de mentir en les décrivant
Me soit à jamais épargnée
Car je ne suis qu'un pauvre pêcheur.
Ainsi soit-il ! »
Illustration : https://www.8pieds6.com/produit/big-game-fishing/
Un siècle de pêche au “tout gros” raconté par le Big Game Fishing Club de France
Pour fêter ses 50 ans, le Big Game Fishing Club de France, fondé en 1965 par Pierre Clostermann, a décidé d’ouvrir ses archives aux passionnés de pêche. Pierre Affre qui en est un des premiers membres (carte n° 007), raconte la saga de ces homériques empoignades entre poissons géants et pêcheurs fous de leur passion. Des côtes de l’Afrique de l’Ouest à la Floride, de Tahiti à la Nouvelle-Zélande, de Cuba à la Grande barrière de corail australienne, en passant par la Bretagne et le Languedoc- Roussillon, vous découvrirez le théâtre de ces exploits réalisés canne en main, à la loyale, avec presque toujours aujourd’hui, grâciation de ces grands poissons. À déguster comme un vieux rhum, en compagnie d’Hemingway, de Pierre Clostermann, de Carlos et de quelques autres grands pêcheurs sportifs qui ont écrit la légende du Big Game Fishing
Par Pierre Affre, aux éditions Quai des Plumes
Caractéristiques techniques :Format : 220 mm x 270 mm. 160 pagesISBN : 9782370620309
Chamane 51 le 14/02/201
Liste des livres commentés:
Pierre Clostermann, Des poissons si grands. La grande pêche sportive en mer.
Pierre Clostermann, Mémoires au bout d'un fil.
Pierre Clostermann, Spartacus l'espadon
Maurice Genevoix, Tendre bestiaire.
Maurice Genevoix, Rémi des Rauches
Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages
Pierre Perret, Les poissons et moi.
John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme
Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur
Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur.
Henry David Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison
Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Mémoires d'un pêcheur de truites
William G. Tapply, Casco Bay / Dark Tiger
Hervé Jaouen, Histoire d'ombres.
René Fallet, Les pieds dans l'eau.
Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau
Justin Cronin, Quand revient l'été.
Philippe Nicolas, La mouche et le Tao,
Paulus Hochgatterer, Brève histoire de pêche à la mouche
Jim Harrison, Un bon jour pour mourir
Vincent Lalu, La femme truite, Le coup du soir et autres histoires de pêche.
Ernest Hemingway, La grande rivière au cœur double.
Henri Bosco, L'enfant et la rivière.
Philippe Nicolas. L'enchantement de la rivière.
John Gierach, Le Traité du Zen et de l'art de la pêche à la mouche.
Paul Torday, Partie de pêche au Yémen.
John D. Voelker, Testament d'un pêcheur à la mouche
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