Pierre Clostermann, Spartacus l'espadon


Spartacus, l'espadon
, Pierre Clostermann 


C'est décidé en ce début d'année, je fais mon avalaison pour rejoindre des eaux plus chaudes voire tropicales si les courants sont porteurs. Pierre Clostermann m'indique la direction : le grand large !

 

La mer n'en est pas moins aussi aventureuse que les eaux vives ou dormantes. On y rencontre des poissons fantastiques, des combattant extraordinaires et à en croire P. Clostermann des gladiateurs : Xiphias Gladius nom scientifique de l'espadon, « gladius » pour l'épée ! Le pêcheur aurait donc trouvé avec l'espadon un combattant à sa mesure au milieu de l'arène immense des mers océaniques.

 


« Pour lui désormais la vitesse, ce fut la vie et l'espace libre, la sécurité »,

P. Clostermann.

 

Qui mieux que P. Clostermann pouvait raconter la vie errante et dangereuse de l'espadon.  Aviateur aux 33 victoires, désigné « Premier chasseur de France » (Croix de guerre avec 27 citations) par le général de Gaulle. Les grands espaces, la vitesse, le courage, le sens de la chasse et de la ruse, tout rapprochait Clostermann de la pêche des grands poissons de sport. Il devint l'ami d'Hemingway qu'il rencontra au bar du Ritz à Paris en 1952 et c'est pour lui qu'il rédigea ce livre comme une sorte d'hommage rendu Au vieil homme et la mer qu'il tenait en haute estime, et il a bien raison.

 

On suit l'espadon Spartacus, et on comprend vite que dès sa naissance un poisson comme lui est en sursis. Il doit certes échapper à ses prédateurs naturels puis plus tard aux hommes. A la pollution d'abord, puis  aux mailles de la madrague, aux delphinières, aux long liners, tous le recherchent pour sa chair. Sa seule chance de survie est de rencontrer un pêcheur sportif qui le relâchera avec respect dans la mer.


« La lourde silhouette de l'espadon, corps bandé comme un ressort, se profila un instant sur l'horizon,

secouant son épée brandie vers le ciel et retomba,

soulevant une gerbe d'écume.»,

P. Clostermann.


L'espadon est donc un poisson de plus en plus rare. P. Closterman en parle déjà avec nostalgie à son époque. C'est au Portugal, à Sesimbra, qu'il rencontre le pêcheur Arsenio Cordeiro ;  ce dernier pêchait l'espadon au vif « – comme un brochet de la Marne - dans une barque de la taille d'un bachot de rivière ». Ce style de pêche relève davantage du duel où les qualités physiques du pêcheur sont mises à rude épreuve et laissent toutes les chances au poisson qui le plus souvent est relâché.

 

 L'auteur prendra sept espadons en vingt ans, « sept remords » écrit-il : un repentir qui fait surgir l'auteur dans la biographie de Spartacus l'espadon. Et on ne sait à ce moment si par anthropomorphisme l'auteur tisse son autobiographie avec celle de l'espadon, ou si c'est par une sorte « ichthyanthropie » (cas unique dans la pêche et la littérature) que Spartacus a pris possession de P. Closterman...

 


« Le grand poisson pantelant comme un dormeur qui s'éveille,

glissa en arrière avec un murmure de sable roulé par la vague qui se retire »,

P. Clostermann.

 

L'auteur est un ardent défenseur des poissons de sport et de l'espadon en particulier, et ce fut l'un de ses objectifs au sein de l'IGFA, International Game Fish Association, à la suite d'Hemingway. Le No kill est une nécessité si nous ne voulons pas voir les mers et les océans vides de vie et de beauté. Et pourtant, l'auteur ne rend pas seulement hommage à Spartacus l'espadon, mais il se tourne aussi de manière posthume vers Hemingway. Pas seulement par fraternité d'homme ayant partagé les dangers de la guerre, mais parce que tous deux aimaient d'une passion brûlante l'océan et ses grands poissons.

 

Spartacus n'a pu échapper à tous les pièges qui lui étaient tendus. Un navire de pêche interlope sans morale l'a capturé et tué. P. Clostermann se plaît alors à imaginer que le rostre, le glaive de Spartacus, est désormais accroché sur le mur de la Finca Vigia, la maison d'Hemingway, près de la Havane, à Cuba.


Dessins de Pierre Clostermann (Spartacus, l'espadon, Flammarion, 1989 )
E.A. Morell
Liste des livres commentés: 

Pierre Clostermann, Spartacus l'espadon  

Maurice Genevoix, Tendre bestiaire.  

Maurice Genevoix, Rémi des Rauches  

Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages 

Pierre Perret, Les poissons et moi.  

John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme  

Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur  

Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur.  

Henry David Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison  

Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Mémoires d'un pêcheur de truites  

Cormac McCarthy, La route  

William G. Tapply, Casco Bay / Dark Tiger  

Hervé Jaouen, Histoire d'ombres.  

René Fallet, Les pieds dans l'eau.  

Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau  

Justin Cronin, Quand revient l'été.  

Les Ardennes à fleur d'eau  

Philippe Nicolas, La mouche et le Tao,  

Paulus Hochgatterer, Brève histoire de pêche à la mouche 

Jim Harrison, Un bon jour pour mourir  

Vincent Lalu, La femme truite, Le coup du soir et autres histoires de pêche.  

Ernest Hemingway, La grande rivière au cœur double.  

Henri Bosco, L'enfant et la rivière.  

Philippe Nicolas. L'enchantement de la rivière.  

John Gierach, Le Traité du Zen et de l'art de la pêche à la mouche.  

Paul Torday, Partie de pêche au Yémen.  

John D. Voelker, Testament d'un pêcheur à la mouche

 

Commentaires

  1. Merci pour cette découverte si joliment présentée. Ça donne vraiment envie de le lire.

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