Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages

 


Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages, Collection « Têtes nues », Wildproject éditions, 2011

 

 

Les Editions Wildproject nous offrent un petit trésor. Ce livre, né d'une rencontre entre l'écrivain Jim Harrison et le poète Gary Snyder, nous plonge dans une conversation autour du « monde sauvage », wilderness en anglais. Une notion que chacun d'entre nous a pu éprouver durant les longues heures passées le long des rivières, sur l'eau ou à cheminer le long des cascades et des torrents de montagnes ou pendant de longues heures de guet et d'attente. Nous avons traversé des paysages souvent déserts, navigué face au vent avec par-dessus nous le défilé des nuages ou des grues migratrices. Nous avons vu cela, bien plus, nous avons été émus souvent, frissonnant devant ce cadeau offert au regard et à tous les sens.

 

« Une carpe mourante mord l'air

Dans l'herbe humide,

La rivière recule. Qu'importe. 

Des poissons flasques dorment dans les herbes

Le soleil me sèche tandis que je danse ».

Gary Snyder, Second chant du Chaman.

 

J'aime Gary Snyder car sa poésie porte un souffle archaïque. On respire un temps géologique ancien, une poésie lithique faite de roches métamorphiques, de lave en fusion mues en langue rugueuse et on tremble en lisant ses visions que l'on imagine peintes sur des parois de caverne tremblantes à la flamme de la torche. Gary Snyder est inspiré par la nature et la fait vibrer dans ses poèmes que l'on pourrait définir comme rupestres.

 

Bisons, ours, corbeaux, saumons, carpes s'animent, montagnes, rivières sont exaltées. La vision par la force du verbe se dessine et se colorie en poème comme sur un voile tendu entre l'auteur et le monde naturel des esprits. Le poète comme le chamane font présence de l'invisible et réalisent le passage dans les mondes trop longtemps occultés par la vie moderne. L'homme est aussi du règne animal, végétal, il est fait d'air et d'eau, de roche et de feu, « La terre est notre aire de danse maintenant » affirme Gary Snyder à la fin de l'un de ses poèmes.

 


« Tout le fleuve Columbia gronde

en-dessous de son plan humide

le tourbillon et le panache

de l'eau roulant par-delà et par-dessus,

Saumon cambré dans le fluide immuable

Gary Snyder, Mountains and rivers Without end.

 


Pour Jim Harrison et Gary Snyder, la présence du monde sauvage (le wilderness) est aujourd'hui négligée presque oubliée. C'est avec l'expérience d'Henri D. Thoreau - que nos deux auteurs affectionnent - qu'elle reprend vie mais dans une pratique faite de simplicité volontaire, d'observations minutieuses et d'une esthétique sensible et souvent étonnée et émerveillée. Le bois de Walden et son lac, où Thoreau s'était retiré, deviennent le lieu commun de cette expérience. Ces territoires, sans représentation politique, ouverts à tous les vents mercantiles et destructeurs, trouvent alors dans les écrits de Harrison et Snyders des défenseurs parfois inquiets.

 

Dans Un bon jour pour mourir de Jim Harrison, le narrateur sans nom et Tim un vétéran perdu de la guerre du Vietnam arpentent les rivières à la recherche d'un barrage pour le faire sauter afin de rendre aux truites leur liberté. Pas de dualité dit Jim Harrison dans Aristocrates sauvages, il n'y a pas d'un côté la nature et de l'autre l'homme car ils participent tous les deux à la même entité. L'homme retrouvé peut alors être ce voyageur entre les mondes, un voyageur étonné et enthousiaste.



« Je me jetai dans l'eau la tête la première jusqu'aux épaules :

Etendu de tout mon long sur les galets-bourdonnements dans les oreilles

Les yeux grands ouverts et saisi par le froid,

je me retrouvé face à une truite.»

Water, Gary Snyder (Aristocrates sauvages).

 

Chamane51 le 20/11/2011

Liste des livres commentés: 

Jim Harrison, Gary Snyder, Aristocrates sauvages 

Pierre Perret, Les poissons et moi.  

John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme  

Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur  

Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur.  

Henry David Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison  

Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Mémoires d'un pêcheur de truites  

Cormac McCarthy, La route  

William G. Tapply, Casco Bay / Dark Tiger  

Hervé Jaouen, Histoire d'ombres.  

René Fallet, Les pieds dans l'eau.  

Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau  

Justin Cronin, Quand revient l'été.  

Les Ardennes à fleur d'eau  

Philippe Nicolas, La mouche et le Tao,  

Paulus Hochgatterer, Brève histoire de pêche à la mouche 

Jim Harrison, Un bon jour pour mourir  

Vincent Lalu, La femme truite, Le coup du soir et autres histoires de pêche.  

Ernest Hemingway, La grande rivière au cœur double.  

Henri Bosco, L'enfant et la rivière.  

Philippe Nicolas. L'enchantement de la rivière.  

John Gierach, Le Traité du Zen et de l'art de la pêche à la mouche.  

Paul Torday, Partie de pêche au Yémen.  

John D. Voelker, Testament d'un pêcheur à la mouche

 

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