Pierre Perret, Les poissons et moi.
Pierre Perret, Les poissons et moi, Editions Le Cherche-Midi, 2011
On le connaissait chanteur et écrivain, chantre de l'amitié, de l'amour et souvent avec truculence, amateur de bonne chair, de celle que l'on partage à la bonne franquette sur une toile cirée à celle plus gastronomique que l'on savoure sur une nappe blanche et dans la brillance étoilée des verres à pied. Pierre Perret est un amoureux, un amoureux de la vie et de sa beauté. C'est peut-être pour cela que c'est aussi un pêcheur éclectique et voyageur.
« J'ai douze ans et je
suis seul au bord de la Garonne,
à cinq heures du matin le
soleil se lève... »
P. Perret
(entre le Tarn et la Garonne,
France).
Pour
Pierre Perret, la pêche est une histoire de famille. Sous la houlette
bienveillante et passionnée du père, la pêche façonne la vie familiale. La
sortie du dimanche qui se termine par une petite friture, le grand moment de
l'ouverture avec sa veillée d'arme et son lever nocturne, la partie de pêche
improvisée à la sortie de l'école, la gaule en roseau sur l'épaule, la ligne
déjà tendue et son bouchon flottant dans le vent, on imagine bien le petit
Pierre sortant du Café du Pont (l'estaminet de son père) avec les chaussettes tombantes
sur les chaussures, le short un peu grand autour de ses jambes maigrelettes et
le béret sur la tête portant gaillardement tout son matériel jusqu'au bord de
l'eau.
P.
Perret pêche tous les poissons, la carpe, héroïque poisson qui fait toujours un
beau trophée, la tanche non moins combative, les gardons, les ablettes
scintillantes, le chevesne curieux qu'il pêche à la volante avec un petit bout
de pompon (« gros comme un quart de lentille ») de son béret. Tout
émerveille au bord de l'eau, mais c'est toujours avec impatience que P. Perret
attend l'heure du casse-croute pour sortir de la musette la miche de pain, le
jambon, un morceau de cantal doux, quelques noix fraîches et un peu de vin de
soif. Au bord de l'eau, il apprend l'aventure, la liberté entre Montpezat du
Quercy et Lauzerte de Cahors, le Tarn et la Garonne « les deux mamelles de
mon enfance » écrit-il. Les rivières l'appellent, se donnent à lui - comme
à Pascalet de L'enfant et la rivière de Henri Bosco - et lui laissent ce goût lacté et incroyable
de la découverte et de l'aventure.
« Elle te dit de bien te
cramponner à ta canne,
sinon, elle va partir chez les
mérous »,
P. Perret (Iles Tuamotu).
L'Océanie,
la Nouvelle-Calédonie, les Tuamotu, Mahihi, les îles Marquises, les îles
Grenadines, tant d'endroits exotiques, de paradis de pêche dans lesquels P.
Perret s'est rendu le plus souvent accompagné de sa famille. Ils y pêchent des
poissons aux couleurs rares, à la force puissante et presque inépuisable. Des
thons de80 kg, des tarpons, des requins et tout ce qui peut se prendre à la
ligne quand on pêche dans des mers exotiques et tropicales. L'auteur se plaît
dans ses pêches aventureuses, au milieu de territoires aquatiques immenses,
souvent dangereux. D'ailleurs, il faut souvent être deux pour sortir le poisson
de l'eau ou pour effrayer un crocodile en embuscade ou un hippopotame dormeur
lors d'un séjour de pêche au Gabon, ou bien encore disputer une carangue à une
otarie aux îles Galapagos... Une manière d'oublier la macération des foules urbaines,
les tournées épuisantes, le surmenage d'une vie d'artiste et tout le stress
d'une vie dite moderne.
« Je la remets à l'eau,
soulagé de ne pas l'avoir blessée en la voyant repartir dans le courant comme
une étoile filante »,
P. Perret sur la Cong River
(Irlande).
Au
fil de son parcours de pêcheur, P. Perret en arrive à la pêche à la mouche
qu'il affectionne de plus en plus avec deux compagnons de jeu, la truite et le
saumon. Il parcourt encore de nombreuses rivières au Québec, en Islande et surtout
en Irlande dont le paysage « console des poissons ratés ». Il y
retrouve des amis ou des guides locaux toujours originaux. Les rencontres au
bord de l'eau se font avec un Montrachet 1982, un Saint-Julien ou un bon
Whiskey irlandais près d'un feu et d'un poisson partagé penché sur la boîte à
mouche de l'un et de l'autre avec des discussions sans fin sur la valeur d'une Hairy mary ou d'une Blue charme. Il revoit ses
parties de pêche, les amis dont quelques-uns ont disparu, les « big
trout » retentissants au milieu de la rivière où chaque poisson est un
cadeau du destin et de la nature. Une manière de se faire la vie simple et
agréable, une sorte d'art de vivre que l'auteur sait cultiver à merveille.
Comme il le dit lui-même « La pêche est une souriante philosophie... »
Dis,
Pierrot on y va quand à la pêche ?
Chamane51 le 31/10/2011
Liste des livres commentés:
John Gierach, Même les truites ont du vague à l'âme
Pierre Affre, La vie rêvée du pêcheur
Jean-Pierre Comby, Rêves de pêcheur.
Henry David Thoreau, Walden, préface de Jim Harrison
Bartolomé Bennassar, Les rivières de ma vie, Mémoires d'un pêcheur de truites
William G. Tapply, Casco Bay / Dark Tiger
Hervé Jaouen, Histoire d'ombres.
René Fallet, Les pieds dans l'eau.
Elisée Reclus, Histoire d'un ruisseau
Justin Cronin, Quand revient l'été.
Philippe Nicolas, La mouche et le Tao,
Paulus Hochgatterer, Brève histoire de pêche à la mouche
Jim Harrison, Un bon jour pour mourir
Vincent Lalu, La femme truite, Le coup du soir et autres histoires de pêche.
Ernest Hemingway, La grande rivière au cœur double.
Henri Bosco, L'enfant et la rivière.
Philippe Nicolas. L'enchantement de la rivière.
John Gierach, Le Traité du Zen et de l'art de la pêche à la mouche.
Paul Torday, Partie de pêche au Yémen.
John D. Voelker, Testament d'un pêcheur à la mouche
Commentaires
Enregistrer un commentaire